“La force des femmes” de Denis Mukwege

Article : “La force des femmes” de Denis Mukwege
Crédit: L Comme Lecture
22 septembre 2023

“La force des femmes” de Denis Mukwege

À cheval entre l’autobiographie, l’essai et le récit de guerre, La force des femmes est un véritable manifeste contre les violences sexuelles au Congo et dans le monde. Ayant déjà entendu parler du Dr Denis Mukwege, “l’homme qui répare les femmes”, je m’attendais à une lecture difficile. Les sévices infligés aux femmes victimes de viol dans le Congo oriental qu’il décrit sont d’une insoutenable violence. Mais lire La force des femmes est édifiant à bien d’égards. Le but du récit n’est pas de choquer, mais d’interpeller. Ce n’est pas un condensé d’histoires horribles dans cette région du monde où le viol est utilisé comme une arme de guerre. C’est aussi un aperçu d’un conflit très peu médiatisé qui dure depuis plusieurs décennies. Et puis surtout, c’est l’histoire de l’homme derrière le médecin célèbre.

Une enfance au Congo

L’histoire de sa naissance aurait pu faire l’objet d’un livre à elle seule. C’est avec ça que Denis Mukwege capte l’attention du lecteur dès les premières lignes. Comme son père pasteur, il décide d’aider les autres. Pendant que ce dernier prierait pour les malades, lui, les soignerait. Il décide alors de devenir médecin. Vocation ou destinée, très vite, il prend conscience du manque de ressources sanitaires pour les femmes enceintes et des conséquences tragiques qui en découlent. Il rappelle d’ailleurs avoir choisi la gynécologie pour aider les femmes à donner la vie, mais la guerre au Congo a fait de lui, “l’homme qui répare les femmes”

Le viol est une arme de guerre au Congo et dans le monde

En 1999, Denis Mukwege fonde l’hôpital de Panzi. Les victimes affluent. Les récits sont chaque fois un peu plus écœurants. Le médecin devient activiste et porte la voix de ces femmes dans le monde. Il raconte dans le livre les récits d’autres survivantes dans le monde. Denis Mukwege partage d’ailleurs le prix Nobel avec l’une d’entre elles, l’Irakienne Nadia Murad. Il trouvera aussi en Eve Ensler, l’auteure américaine de la pièce de théâtre Les monologues du vagin, autre survivante, une formidable alliée contre les violences faites aux femmes. Si le Congo est à tort ou à raison “la capitale mondiale du viol”, il est certain, le problème des violences sexuelles est bien d’ordre mondial.

“Au total, au moins quarante-six fillettes entre dix-huit mois et dix ans avaient été violées à Kavumu entre 2012 et 2015”

Denis Mukwege – La force des femmes

Derrière les smartphones de dernière génération, il y a… des vies brisées

Cuivre, cobalt, coltan, diamant… le Congo est qualifié de “scandale géographique” du fait de l’incroyable richesse de son sous-sol. Qu’on l’admette ou pas, il y a une corrélation entre les appareils électroniques dont nous ne pouvons plus nous passer et les violences sexuelles que subissent les femmes dans le Congo oriental. Soyons clairs, lire ce livre n’est pas très plaisant. Les récits sont glaçants. Les questions désespérantes des victimes sur l’avenir mettent mal à l’aise. La réponse honnête du médecin est dure à entendre.

Malgré cela, il faut lire La force des femmes, pour découvrir le message d’espoir des survivantes, apprendre ce que c’est que la résilience et découvrir ce qui se passe au Congo oriental. Après avoir soigné tant de femmes mutilées, survécu plusieurs attaques et tentatives de meurtre, Denis Mukwege conclut quand même son livre sur une note d’espoir. Malgré cet optimisme, on ne peut s’empêcher de se demander si tout ce qu’il a réussi à mettre en place pour venir en aide aux femmes pourrait lui survivre.

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