Littérature. « De purs hommes », de Mohamed Mbougar Sarr

Article : Littérature. « De purs hommes », de Mohamed Mbougar Sarr
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1 juin 2021

Littérature. « De purs hommes », de Mohamed Mbougar Sarr

De purs hommes est le troisième roman de l’écrivain Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr et le deuxième que je lis. C’est l’un des premiers de la littérature africaine à aborder frontalement le sujet de l’homosexualité avec pour décor, le Sénégal et plus précisément Dakar, ville de toutes les contradictions. Le récit est bref mais il n’en appelle pas moins à la réflexion, sur un sujet qui reste tabou dans de nombreux pays.

L’histoire commence par la diffusion d’une vidéo où on voit un cadavre déterré. Le morbide a quelque chose de fascinant. Très vite, la vidéo devient virale et lorsque le jeune professeur Ndéné Gueye la visionne, son intérêt vire à l’obsession. À la recherche du passé de cet homme que la société juge indigne de n’avoir ne serait-ce qu’une sépulture, le jeune professeur va devoir faire face à l’hostilité de ses collègues, de sa famille et de la société toute entière.

Quelle que soit votre opinion sur l’homosexualité, De purs hommes a quelque chose de bouleversant. On ne peut que s’émouvoir en sachant que le fait divers qui ouvre le roman est un fait réel. La douleur de la mère qui perd son enfant unique en pareille circonstance ne laisse pas indifférent. Et en même temps, on a du mal à comprendre cette société qui affirme fièrement son homophobie mais qui tolère ces goorjigeen* quand ils divertissent lors des folles soirées de Sabar

Si on se penche sur la question de l’homosexualité au Sénégal, peut-on affirmer sans se tromper qu’il s’agit d’une pratique venue de l’homme blanc avec la colonisation ? Doit-on affirmer ses convictions même si cela implique d’être mis au banc de la société ? En vivant dans une société homophobe, quelle est la bonne attitude à adopter face à une connaissance homosexuelle ? L’auteur invite à toutes ces réflexions et bien plus encore.

Homosexualité, homophobie, intolérance, hypocrisie, cruauté, quête existentielle, ces ingrédients ont-ils de quoi produire une œuvre littéraire remarquable ? Quand on s’appelle Mohamed Mbougar Sarr et qu’on possède une écriture aussi puissante, définitivement oui. Du début jusqu’à la fin, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour ce héros anticonformiste qui, alors que « tout le monde ici est prêt à tuer pour être apôtre du bien », se dit « prêt à mourir pour être la seule figure encore possible du mal ».

J’ai découvert Mbougar Sarr en lisant Terre ceinte, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne choisit pas des thèmes faciles. Cela dit, avec son écriture captivante et son sens du détail, il sait retenir l’attention du lecteur du début à la fin.

goorjigeen* : thème Wolof pour designer un homosexuel, littéralement homme-femme

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