Lecture. « Un Dieu et des mœurs » de Elgas

Article : Lecture. « Un Dieu et des mœurs » de Elgas
Crédit: L Comme Lecture
24 septembre 2021

Lecture. « Un Dieu et des mœurs » de Elgas

Il y a de plus en plus et à juste titre une tendance à la « glamourisation » de l’Afrique. La cuisine africaine n’a rien à envier à celle des autres régions du monde, comme en témoigne de nombreux blogueurs et chefs spécialistes de l’« afro-fusion » et autres néologismes. Vous voulez vivre des vacances inoubliables ? C’est en Afrique que vous trouverez les meilleurs spots pour enrichir votre profil Instagram. À coup de hashtag, on exhibe fièrement l’Afrique que les médias ne vous montrent jamais.

Et puis il y a Elgas, qui pose violemment sur la table « Un Dieu et des mœurs ». Par delà les paysages de rêve, la cuisine épicée, les sourires insouciants des enfants et les jeunes femmes aux courbes voluptueuses, l’auteur dépeint tous les maux de son Sénégal natal que l’on camoufle sous la tradition, la culture et la religion. En regardant de près, on a du mal à comprendre, encore moins à justifier. 

Un voyage atypique au cœur du Sénégal

À travers 15 portraits et 15 nuits, Elgas raconte son retour au Sénégal après plusieurs années. Le sentiment qui prédomine est la colère. Et on ne peut que la partager en lisant certains portraits. De Fatou C, par exemple, on apprend :

« En tout, elle avait vécu avec quatre maris, deux frères et deux cousins. À chaque mort, à peine avait-elle fini son veuvage, qu’elle devait à nouveau hériter d’un frère ou du cousin du défunt. Fatou C. avait été ainsi mariée à quatre parents directs, de même sang, sans jamais avoir eu une seconde le choix sur les hommes de sa vie. »

Elgas, « Un Dieu et des moeurs »

Le lévirat, l’excision, l’homophobie, l’immigration clandestine, le fanatisme religieux, la délicate question des enfants talibés… Tout passe sous la plume incisive d’Elgas. Mais plus que ces pratiques, ce qui choque et provoque la colère de l’auteur, c’est le fatalisme. On accepte cette vie parce que c’est ainsi. C’est l’indifférence des uns et des autres qui a fini par normaliser ces pratiques. Les carnets de voyage d’Elgas s’ouvrent d’ailleurs sur cette phrase : « on ne soupçonne que très peu la providence qu’assure la misère ». Tout est dit.

Un Dieu et des moeurs

Le récit se passe d’éléments fictionnels tant la réalité dépasse la fiction. C’est à la fois risible et triste de s’imaginer qu’au XXIe siècle dans une partie du monde, la viande de rat figure sur une ordonnance médicale. 

Elgas crie son désarroi, fustige, interpelle… Mais combien entendent, comprennent l’urgence de la situation ? Quand allons-nous atteindre si cela est possible, le point qui permettra d’inverser la tendance ? D’un ton plus rasséréné, dans la deuxième partie du livre intitulé « Mauvaise foi », l’auteur ouvre le débat sur la place de la religion dans la société sénégalaise. Les conclusions sont pour le moins pessimistes.

Chaque lecteur percevra différemment les propos de l’auteur parce que les points de vue sur les thématiques abordées divergent. Mais une chose est sure, en même temps que l’on s’empresse de dévoiler l’Afrique, terre de tous les fantasmes, il est important de regarder ce miroir de la société africaine que nous tend Elgas.

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