« Les sirènes de Bagdad » de Yasmina Khadra

Article : « Les sirènes de Bagdad » de Yasmina Khadra
Crédit: L Comme Lecture
17 juin 2022

« Les sirènes de Bagdad » de Yasmina Khadra

Auteur contemporain de renom, Yasmina Khadra a consacré une partie de son œuvre  au rapport complexe entre l’Orient et l’Occident. Avec « Les hirondelles de Kaboul » (Afghanistan), « L’attentat » (Israël) et « Les sirènes de Bagdad » (Irak), l’auteur algérien expose sans parti pris l’histoire contemporaine Orient/Occident. De l’origine même des incompréhensions idéologiques aux conséquences dramatiques de cette relation conflictuelle, Yasmina Khadra évite astucieusement le piège du manichéisme. Plutôt que de catégoriser les “bons” et les “mauvais”, l’auteur mise sur l’humanisme. Les trois œuvres se lisent indépendamment. À mon avis, « Les sirènes de Bagdad », troisième de la trilogie est celui qui exprime le mieux l’origine de cette différence de mentalités.

Comment fabrique-t-on un kamikaze?

Dans l’Irak envahi par les américains, il n’y a pas qu’à Bagdad qu’on subit les conséquences de l’occupation. À Kafr Karam, petit village aux confins du désert irakien, un jeune bédouin voit sa vie basculer, lors d’une brutale perquisition de l’armée américaine. Il a du mal à comprendre que pour eux rien ne semble sacré. La nudité du père est insolemment exposée aux yeux de toute sa famille. Pour cette famille de bédouins pacifiques, c’est le comble de l’humiliation. La scène est d’une insoutenable violence. “Seul le sang pourra laver ce qui a été souillé..” Le jeune bédouin rejoint un groupe d’extrémistes, assoiffé de vengeance et convaincu de la nécessité de la violence. Va-t-il trouver l’apaisement en choisissant la révolte? Rien n’est moins sûr. Le chemin d’apprenti terroriste est parsemé d’amères désillusions…

“Un attentat suicide a fait x morts en plein coeur de…” “Un homme a déclenché sa ceinture explosive faisant x victimes…” Des faits de ce genre sont relatés presque quotidiennement dans les médias suscitant désormais un intérêt relatif. On se contente de déplorer les victimes mais surtout de faire le procès du kamikaze. Mais alors, comment en arrive-t-on là? Comment se convainc-t-on que c’est une façon de mourir?

Sans faire l’apologie du terrorisme, « Les sirènes de Bagdad » met en évidence la corrélation entre le mépris occidental pour les Orientaux et les déchaînements de violence de ces derniers. Cela dit, dans un camp comme dans l’autre, l’auteur démontre qu’il y a bien de compromissions et de contradictions. Le fanatisme sous toutes ses formes n’est pas et ne sera jamais une solution.

Les hirondelles de Kaboul
Les hirondelles de Kaboul, 1er roman de la trilogie © L Comme Lecture

Un personnage principal peu convaincant mais une magnifique ode à l’humanisme

On a du mal à s’attacher au personnage principal. Bien qu’ayant vécu des évènements dramatiques, il semble si facile à manipuler. Ses pérégrinations de Kafr Karam à Beyrouth en passant Bagdad exposent la faiblesse d’un homme qui est passé d’un extrême à l’autre. Du modeste villageois pacifique, il se transforme presque soudainement en objet manipulable sans jamais prendre la peine de réfléchir. Une analyse attentive de son évolution rend d’ailleurs le dénouement de l’intrigue assez prévisible. Jusqu’à la fin du roman, on ne connaîtra d’ailleurs jamais son nom. Ce n’est donc peut-être pas sur son cas en particulier qu’il faut se focaliser. Le message d’espoir de Khadra est ce qui fait la force de ce roman.

Au-delà de la guerre, du terrorisme, des conflits, de l’incompréhension culturelle et idéologique, il y a l’humanisme qui peut et doit tout transcender. Pour Yasmina Khadra, nom de plume de Mohammed Moulessehoul, c’est bien le seul remède au fanatisme.

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